Soins

Un nouvel hypoglycémiant oral : la dapaglifozine

Docteur Michel Gerson, Strasbourg

Printemps 2021 - Lettre n°37
#Médicaments #Diabète de type 2 #Traitement #dapaglifozine

En 2020, deux nouveaux médicaments indiqués dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) ont été mis sur le marché : ils contiennent de la dapaglifozine, seule (Forxiga®) ou associée à la metformine (dans Xigduo® 5 mg/1000 mg). Qu’apportent-ils dans le traitement du DT2 ?

Un antidiabétique qui fait perdre du poids

La dapaglifozine est un inhibiteur spécifique des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2), alias glifozines. Ce médicament inhibe ces cotransporteurs, responsables de la réabsorption du glucose au niveau du tube contourné proximal rénal. Les glifozines réduisent ainsi la réabsorption rénale du glucose en augmentant son excrétion dans les urines. D’où un effet hypoglycémiant qui a été démontré par des études cliniques avec une baisse de l’hémoglobine glyquée de l’ordre de 0,5 à 0,7 % en moyenne. Elles ont également montré un autre bénéfice pour les patients traités : une perte de poids de l’ordre de 1,5 à 2 kg.

Un effet favorable sur l’insuffisance cardiaque

Comme pour tous les nouveaux antidiabétiques mis sur le marché depuis une douzaine d’années, le fabricant de la dapaglifozine a dû mener à bien une vaste étude la comparant au placebo et visant à démontrer l’innocuité(a) cardiovasculaire de cet antidiabétique ; cela en raison des exigences de l’Agence américaine des Aliments et des médicaments (Food and Drug Administration).

Cet essai, dénommé DECLARE–TIMI 58, a inclus 17 160 patients diabétiques présentant une atteinte cardiovasculaire ou à risque cardiovasculaire élevé [1]. Le suivi moyen a été de 4,2 années. L’analyse de cet essai a montré un bénéfice inattendu au départ : une réduction d’environ 30 % du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Ce bénéfice dans l’insuffisance cardiaque a conduit à mettre en route des essais cliniques de la dapaglifozine dans l’insuffisance cardiaque, y compris chez les non- diabétiques. Les résultats de cet essai, dénommé DAPA-HF qui a inclus 4 744 sujets (dont seulement 42 % de diabétiques) et évalué l’effet de la dapagliflozine contre placebo, ont été publiés fin 2019 [2]. La dapaglifozine a réduit de 30 % le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque et de 18 % la mortalité cardiovasculaire.

Ces résultats, ainsi que ceux des études concernant d’autres glifozines, ont conduit les sociétés savantes américaines et européennes de diabétologie à recommander le recours à cette classe thérapeutique dans le diabète de type 2 avec insuffisance cardiaque. Elles ont par ailleurs conduit l’Agence européenne des médicaments à étendre l’indication de la dapaglifozine à l’insuffisance cardiaque.

Un risque accru d’acidocétose

Certains effets indésirables sont très spécifiques aux glifozines et doivent être connus des médecins et des patients. Les plus fréquents sont les infections mycotiques génitales, elles sont plus fréquentes chez les femmes (vulvovaginite(b)) que chez les hommes (balanite(c)). Ces infections doivent être traitées par un antimycotique appliqué localement. L’arrêt de la glifozine n’est habituellement pas nécessaire.

Le risque accru d’acidocétose chez les patients diabétiques de type 2 traités par glifozine a été confirmé par de nombreuses études : le risque est 2 à 3 fois plus élevé que chez les patients traités par d’autres antidiabétiques. Lors de telles acidocétoses, l’hyperglycémie est modérée, souvent inférieure à 2 g/l, ce qui peut retarder le diagnostic, d’où l’importance de connaître les symptômes initiaux d’acidocétose. En présence de troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales) ou d’une fatigue inhabituelle, il faut arrêter le médicament et consulter rapidement.

Une glifozine doit aussi être arrêtée 3 à 4 jours avant toute intervention chirurgicale ou geste instrumental, mais également en cas de jeûne et de toute affection intercurrente(d), notamment fébrile ; ce sont des situations à risque.

Enfin, en raison de leur mécanisme d’action, les glifozines exposent un risque de déshydratation avec hypotension. Ce sont surtout les patients âgés, et ceux prenant un traitement diurétique, qui sont exposés à ce risque. Certaines maladies aigües comme une gastro-entérite, exposent aussi à ce risque : une interruption temporaire du traitement peut être nécessaire.

En pratique, la prescription de la dapaglifozine obéit à certaines limites :

  • Elle ne doit pas être mise en route en cas d’insuffisance rénale,
  • Elle n’est pas remboursable en monothérapie. Elle doit donc être associée à un ou deux autres antidiabétiques, par exemple à la metformine.

 

(a) L’innocuité correspond à une action préventive ou thérapeutique qui n’est pas nuisible pour la santé et la qualité de vie.

(b) La vulvovaginite est une inflammation de la vulve ou du vagin chez la femme, due à des champignons, des bactéries ou des virus.

(c) La balanite est une inflammation de l’extrémité de la verge, plus précisément du gland.

(d) Une affection intercurrente est une maladie survenant au cours d’une autre maladie, soit en venant aggraver la première, soit en s’y ajoutant.

 

Sources :

  1.  Wiviott SD, Raz I, Bonaca MP et al. Dapagliflozin and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2019 ; 380 : 347-57
  2.  McMurray JJV, Solomon SD, Inzucchi SE, et al. Dapagliflozin in patients with heart failure and reduced ejection fraction. N Engl J Med 2019;381:1995-2008.

 

 

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