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Soins

Traiter au stade de pré-diabète permet de retarder l’apparition du diabète, mais aussi les complications liées au diabète

Professeur Michel Pinget

Été 2019 - lettre n°30
#pré-diabète #Etude #Prévention #Complications

Le diabète de type 2 est une maladie qui, dans la grande majorité des cas, se développe progressivement dans le temps. La plupart des patients passe par une phase de pré-diabète, qui se caractérise par des valeurs glycémiques au-dessus de la normale mais en-dessous des valeurs retenues comme critères diagnostiques du diabète.

Bien que tous les sujets pré-diabétiques ne deviennent pas systématiquement diabétiques (le pré-diabète n’étant pas considéré comme une maladie), il est normal de se poser la question de l’intérêt de traiter ces sujets pré-diabétiques et non d’attendre l’apparition du diabète pour intervenir. Encore faut-il démontrer qu’une telle intervention précoce peut permettre de :

  1. retarder la survenue du diabète,
  2. réduire le risque de complications à long terme liées au diabète.

Trois grandes études ont permis de répondre à la 1ère question en démontrant le bénéfice d’une amélioration du mode de vie (intervention nutritionnelle et mise en place d’une activité physique adaptée). Pour cela, les investigateurs des 3 études ont comparé l’évolution des paramètres glycémiques sur plusieurs années, chez des sujets pré-diabétiques bénéficiant, pendant quelques années seulement, d’une telle intervention sur le mode de vie versus des sujets comparables ayant conservé leurs habitudes de vie antérieures.

Leurs conclusions sont totalement concordantes et montrent une réduction de la survenue de diabète de :

  • 51% sur un suivi de 6 ans dans la Da King Diabetes Prevention Study initiée en 1986,
  • 58% sur un suivi de 3 ans dans la Finnish Diabets Prevention Study (1993) et l’US Diabetes Prevention Program (1999).

La question est de savoir s’il s’agit d’un retardement à l’apparition du diabète ou d’une véritable prévention. Seul un suivi à long terme permettrait de répondre à cette question.

C’est ce que viennent de publier les investigateurs de la Da King Diabetes Prevention Study dans la revue de référence Lancet/diabetes-endocrinology du mois d’avril 2019, en présentant les résultats des patients de leur étude au cours des 30 années ayant suivi l’inclusion dans l’étude en 1986.

Schématiquement, 576 sujets intolérants au glucose (pré-diabétiques au vu des résultats d’une hyperglycémie provoquée par voie orale) ont été sélectionnés et après tirage au sort répartis en 2 groupes suivis différemment pendant 6 ans :

  • groupe intervention (407 sujets) ayant bénéficié pendant 6 ans d’interventions nutritionnelles et/ou d’activité physique,
  • groupe contrôle (135 sujets) ayant conservé leurs habitudes de vie.

Ils ont ensuite revu ces sujets 20 ans, 23 ans et 30 ans après le début de l’étude soit en 2006, 2009 et 2016, alors que depuis la fin de l’étude (en 1992) il n’y avait plus de différences dans la prise en charge des sujets.

Nous avons rappelé ci-dessus qu’à la fin des 6 ans de l’étude, 51% de diabète en moins était constaté chez les patients du groupe intervention, soit un Risque Relatif (RR) de 49% par rapport aux patients du groupe contrôle. Cette différence se retrouve 30 ans plus tard, avec en 2016 un RR de 61%, soit 39% de diabète en moins, alors même qu’il n’y avait plus aucune différence de prise en charge depuis 1996.

Il s’agit très probablement d’un retardement à l’apparition du diabète.

Plus important encore, les investigateurs notent les mêmes différences au niveau des complications cardiovasculaires, 30 ans après le début de l’étude, un RR du groupe intervention (versus le groupe contrôle) de :

  • 74% pour la survenue d’un événement cardiovasculaire,
  • 67% pour la mortalité cardiovasculaire,
  • 74% pour les décès toutes causes confondues (et non seulement cardiovasculaires).

Là encore il s’agit très probablement d’un retardement de l’apparition de ces complications, probablement conséquence de la survenue plus tardive du diabète.

 

En conclusion, et pour la 1ère fois, la preuve est apportée qu’il est bénéfique de traiter les sujets dès le stade de pré-diabète, au moins en améliorant durablement les conditions de vie par une intervention d’abord sur l’activité physique mais aussi sur l’alimentation. Le bénéfice est durable (au moins sur 30 ans) au niveau du risque de diabète, mais aussi pour réduire l’impact des complications à long terme de la maladie.

Bien sûr il ne s’agit à ce stade que d’un ralentissement du processus pathologique, et non de la prévention primaire que nous recherchons tous. Probablement agir au stade de pré-diabète est déjà trop tardif et qu’il faut intervenir avant tout déséquilibre glycémique chez les sujets que l’on sait à fort risque d’évoluer vers un diabète, avant tout par des interventions sur le mode de ie.

Dans leurs recommandations de 2019, les experts de l’American Diabetes Association considèrent que tous les sujets de plus de 45 ans ont un risque d’être diabétiques à moyen terme, mais aussi et surtout, quel que soit l’âge :

  • Les femmes ayant présenté un diabète gestationnel dans les 3 années précédentes,
  • Les sujets en surpoids ou obèses ayant 1 des facteurs de risque suivants :
  • Hérédité diabétique au 1er degré
  • Antécédent d’événements cardiovasculaires
  • Hypertension (même traitée et équilibrée)
  • Anomalies lipidiques (HDL < 0,35g/l et/ou TG > 2,50g/l)
  • Femmes ayant présenté un Syndrome des Ovaires Polykistiques (SOPK)*
  • Les personnes sédentaires ou inactives.

Il s’agit là d’un vœu légitime mais très clairement auquel ne sont prêts ni la communauté médicale, ni les instances financières, ni probablement les potentiels futurs patients.

 

*Syndrome des Ovaires Polykistiques : maladie relativement fréquente chez la femme jeune caractérisée par un dysfonctionnement ovarien avec apparition de multiples kystes ovariens. Source de douleurs abdominales et pouvant altérer la fertilité, cette maladie est souvent la conséquence d’une hypersécrétion d’insuline, pouvant révéler déjà une sécrétion de mauvaise qualité de l’insuline par le pancréas.

 

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