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Les chiffres du diabète en 2019

Professeur Michel Pinget, Strasbourg

Printemps 2021 - Lettre n°37
#Epidémie

La Journée Mondiale du Diabète, fixée le 14 novembre, est devenue traditionnellement celle de la réactualisation des chiffres du diabète. Celle-ci est réalisée aux niveaux mondial et européen par la Fédération Internationale du Diabète qui communique une nouvelle version de son Atlas du diabète (il s’agissait en 2019 de la 9ème édition). Les chiffres concernant la France, eux, sont communiqués par Santé Publique France, à partir de l’observatoire GÉODES, qui analyse les données nationales mais aussi les disparités régionales. L’ensemble des données est accessible sur les sites web de ces deux structures.

Que peut-on en retenir ?

Quelques nouvelles encourageantes, même si malheureusement la pandémie de diabète de type 2 continue, avec un impact individuel au travers des complications invalidantes qui guettent les diabétiques et surtout ceux qui ignorent leur maladie, mais aussi sociétal, notamment en termes de coûts de santé

Source : Fédération Internationale du Diabète. Atlas du diabète de la FID, 9ème édition.

Le contexte mondial

Le nombre de diabétiques (de type 2) continue d’augmenter

Les données de prévalence (nombre de sujets diabétiques et pourcentage par rapport à la population générale de même âge) restent impressionnantes.

Rappelons qu’en 2000 on dénombrait, sur la tranche d’âge 20-79 ans, 151 millions (M) de diabétiques dans le monde, chiffre qui est passé en 2009 à 285 M, soit une progression de 88 % en moins de 10 ans. Les prévisions faites alors par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) annonçaient un chiffre de 438 M pour 2025.

Or en 2019, nous sommes déjà à 463 M (9,3 % de la population adulte), soit 25 M de plus que ce qui était annoncé pour 2015. Il faut ajouter à cela 1,1 M de diabétiques âgés de moins de 20 ans (type 1 et 2).

Les prévisions actuelles annoncent 578 M de sujets atteints en 2030 et 700 M en 2045. On est en droit de penser que, malgré un léger ralentissement actuel, ces prévisions sont encore sous-estimées. L’idée du milliard de patients au cours de la 2ème moitié de ce siècle est hautement plausible.

Le diabète de type 2 est le grand responsable de cette progression

Ses facteurs sont complexes : socio-économiques, démographiques, environnementaux et génétiques. Ce sont notamment les nouveaux paradigmes du mode de vie qui expliquent cette progression, avec une alimentation non adaptée, une inactivité physique de plus en plus présente qui, avec le stress, expliquent la progression de l’obésité et du diabète.

Ces facteurs sont le plus souvent associés à une urbanisation de l’habitat et expliquent la fréquence beaucoup plus grande du diabète en milieu urbain (10,8 %) qu’en milieu rural (7,2 %), même si la prévalence en milieu rural tend à augmenter très rapidement.

Un problème de santé publique, en même temps qu’un handicap invisible pour le patient

Nul n’ignore qu’un diabète mal équilibré peut favoriser l’apparition de complications dont les plus redoutables restent les complications cardio-vasculaires, largement responsables de la surmortalité constatée dans la population diabétique. Le diabète est aujourd’hui retrouvé dans 11,3 % des décès, toutes causes confondues, et est directement responsable de 4,2 M de morts dans le monde, dont près de la moitié avant l’âge de 60 ans.

La Fédération Internationale du Diabète rappelle qu’un diabétique décède toutes les 8 secondes dans le monde.

Force est de constater que des complications peuvent survenir même chez des diabétiques bien équilibrés (impact de la génétique) mais sont le plus souvent la conséquence d’une prise en charge trop tardive de la situation. Près de la moitié des 463 M de diabétiques dans le monde ignorent leur maladie, ce qui rend encore illusoire dans bon nombre de cas la mise en œuvre de mesures préventives.

Ces chiffres ne reflètent pas l’impact de la COVID-19 sur l’état de santé des diabétiques, notamment la mortalité. Cela est normal puisque ce drame sanitaire s’est surtout exprimé en 2020. Alors que les diabétiques ne sont pas plus souvent contaminés que la population générale, force est de constater que le diabète de type 2 sévère (et non le type 1) prédispose à développer des formes sévères (10 à 20 % d’entre elles surviennent chez des diabétiques) et surtout des formes mortelles (un diabète est retrouvé dans 30 % des cas de décès). Par diabète de type 2 sévère, on entend un diabète associé à d’autres pathologies (hypertension artérielle, obésité, syndrome d’apnée du sommeil) ou ayant déjà conduit à des complications cardio-vasculaires.

Des dépenses de santé en augmentation

Rappelons que les dépenses de santé imputables au diabète atteignaient 325 milliards de Dollars en 2009. Ce chiffre est passé à 725 milliards en 2019, soit un doublement au cours des 10 dernières années. Les prévisions faites à partir de cette évolution (en sachant qu’en 2000 ce coût était de 200 milliards) annoncent un coût du diabète en 2045 de 850 milliards.

En moyenne, ce coût représente 12 % de l’ensemble des dépenses de santé, variant selon les pays entre 2 et 19 %. La charge financière imputable au diabète (avant tout pour les complications et notamment les hospitalisations qui en découlent) dépasse les 300 milliards de Dollars en Amérique du Nord et atteint les 130 milliards en Europe (17 milliards en France).

C’est pour la prise en charge des patients dont l’âge est compris entre 70 et 79 ans que les dépenses sont les plus élevées. Ceci est un peu normal, puisque c’est dans cette tranche d’âge que l’on trouve la plus grande fréquence de diabétiques par rapport à la population générale. À 60 ans, le nombre de diabétiques augmente régulièrement, mais à partir de 80 ans, cette fréquence diminue progressivement.

La situation en France

Soiurce : Santé Publique France

La prévalence continue à augmenter, mais l’incidence commence à diminuer

La France est un des pays où il est difficile de suivre l’évolution épidémiologique d’une maladie, dans le cas présent la prévalence du diabète (soit la fréquence). Les chiffres officiels sont ceux de l’Assurance Maladie portant sur des sujets adultes traités par médicament(s) pour le diabète : en 2019, cela concerne 3,5 M de personnes (soit 5,2 % de la population), avec une prévalence plus élevée chez l’homme. Toutefois, tous les diabétiques ne sont pas traités par médicament pour le diabète (sous contrôle alimentaire et activité physique par exemple) et un nombre non négligeable de français

ignorent leur diabète. L’enquête ESTEBAN, conduite entre 2014 et 2016, conclut à une fréquence de 1,2 % de diabètes non traités par médicament et 1,7 % de diabètes méconnus par les personnes affectées.

Raisonnablement, on peut donc fixer la prévalence du diabète en France à 8,1 % de la population, ce qui est d’ailleurs le chiffre retenu par la Fédération Internationale du Diabète dans son Atlas, soit 5,4 M de personnes.

Par contre, il existe deux évidences concernant l’évolution de la situation et la disparité régionale, qui ne cessent de se confirmer :

  • La prévalence du diabète a augmenté

régulièrement entre 2010 et 2019, en moyenne de + 0,9 % par an chez les hommes et + 0,4 % par an chez les femmes. Les taux les plus élevés sont retrouvés chez des personnes entre 65 et 80 ans.

  • Par contre l’incidence (soit le nombre de nouveaux cas par an) a commencé à diminuer sur la période 2012 à 2017, en moyenne de – 2,6 % chez les hommes et de – 3,9 % chez les femmes. Le pic maximal de survenue se situe autour de l’âge de 65 ans.

Il existe une très grande disparité selon les régions qui continue à s’aggraver

En prenant en compte les chiffres, sous-estimés, de l’Assurance Maladie (soit une moyenne de 5,2 %), on peut distinguer en France :

  • Les régions à très haute prévalence (entre 7,5 et 9,6 %) avec en ordre décroissant la Réunion (1ère région de France), la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.
  • Les régions à haute prévalence (entre 5 et 6,5 %) comprenant les Hauts-de-France, le Grand Est, l’Ile-de-France, le Centre-Val de Loire et la Bourgogne-Franche-Comté.
  • Les régions à prévalence modérée (entre 4,5 et 4,9 %), à savoir la Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Normandie, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine.
  • La Corse (4,3 %), les Pays de la Loire (4,1 %) et surtout la Bretagne (3,4 %) avec une prévalence faible.

On retrouve les mêmes disparités régionales très marquées au niveau des complications chroniques, avec toutefois une tendance à une amélioration, en particulier au niveau du nombre d’hospitalisations motivées par ces complications. Seul le nombre de plaies du pied progresse, mais pas celui des amputations, ce qui est le plus important. Le nombre d’Accidents Vasculaires Cérébraux, qui avait augmenté entre 2010 et 2016, s’est depuis stabilisé, comme est stable le taux d’hospitalisations pour infarctus du myocarde et mise sous dialyse. Ces données montrent une amélioration, compte tenu de l’augmentation concomitante du nombre de patients

Autre nouvelle positive, l’amélioration de la prise en charge médicale, qui est évidente notamment au niveau de la prévention rénale, des suivis cardiologiques et ophtalmologiques.

En conclusion, l’analyse de ces chiffres peut inquiéter, essentiellement par l’augmentation de la prévalence et du coût du diabète. Mais l’on doit surtout retenir les éléments positifs que sont la diminution récente de l’incidence en France, la stabilité des complications et l’amélioration de la prise en charge médicale.

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