Soins

L’électrostimulation musculaire

Docteur Michael Joubert

Hiver 2015 - Lettre n°13
#Activité physique #Diabète de type 2 #Traitement #Insuline #Electrostimulation musculaire

L’électrostimulation musculaire : une alternative à l’activité physique conventionnelle pour les patients atteints de diabète de type 2 ?

L’épidémiologie du diabète de type 2 (DT 2) est alarmante partout dans le monde avec une prévalence en forte augmentation. L’activité physique régulière, de même qu’une alimentation adaptée, restent des éléments fondamentaux de la thérapie du DT 2. Il est en effet recommandé aux sujets atteints de DT 2 de réaliser au moins 150 minutes d’activité physique par semaine, en combinant des exercices d’endurance, de résistance et de souplesse(1). Malheureusement, malgré ces recommandations largement relayées par les professionnels de santé, 30 à 50% des patients DT 2 restent sédentaires(2). Cette sédentarité s’explique principalement par un manque de motivation mais également par les handicaps/incapacités reliés au diabète (trouble de la vision, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, mal perforant plantaire, insuffisance cardiaque…).

L’électrostimulation musculaire, encore appelée neuro-myo-électrostimulation (NMES) est un traitement physique qui consiste à appliquer, sur différentes régions du corps, un courant électrique de basse fréquence grâce à des électrodes cutanées de faible impédance, afin de générer des contractions musculaires involontaires. La NMES est utilisée couramment par les médecins rééducateurs et les kinésithérapeutes dans des situations d’amyotrophie et/ou de perte de fonction motrice. En effet, il est prouvé que la NMES améliore significativement la force et le volume musculaire. Les sportifs de haut niveau tirent également profit des propriétés de la NMES qui est utilisée en complément de l’entraînement physique conventionnel. Depuis quelques années, la NMES a été testée avec succès dans de nouvelles situations pathologiques comme la stéatose hépatique, l’insuffisance respiratoire ou l’insuffisance cardiaque chronique(3-5). La NMES pouvant générer des contractions musculaires intenses, nous avons mis en place une étude pilote afin d’évaluer l’impact de cette thérapie sur la sensibilité à l’insuline chez les sujets diabétiques de type 2 (étude ELECTRODIAB). L’intérêt théorique de cette indication « métabolique » de la NMES est évident, les séances d’électrostimulation pouvant se substituer à une activité physique conventionnelle.


L’étude ELECTRODIAB a été réalisée chez 18 patients DT2 traités par antidiabétiques oraux qui ont été évalués par clamp euglycémique hyper insulinémique avant et après une semaine d’entraînement quotidien par NMES(6).

Les principales caractéristiques des patients inclus dans cette étude étaient les suivantes :

  • Âge : 59,6 ± 8,3 ans ;
  • Homme : n = 12 (66,7 %) ;
  • Ancienneté diabète : 11,2 ± 6,9 ans ;
  • Poids : 95,5 ± 18,1 kg ;
  • IMC : 33,5 ± 5,5 ;
  • Tour de taille : 104 cm ± 12 cm ;
  • Glycémie à jeun : 8,5 ± 1,8 mmol/l ; HbA1c 7,4 ± 0,7 % ;
  • Traitement de base : metformine (94 %), sulfamides (56 %), iDPP4 (50 %) et agoniste GLP-1 (17 %).

Après une courte formation à l’utilisation de l’appareil, les séances de 25 minutes NMES étaient réalisées à domicile, sur les deux quadriceps, à l’intensité maximale tolérée par le patient. L’adhérence à ce traitement a été excellente puisque tous les sujets ont réalisé les séances quotidiennes pendant une semaine. La sensibilité à l’insuline s’est améliorée significativement en moyenne de 25% pour l’ensemble de la population. Les résultats ont également été analysés en sous groupe, selon la sensibilité de base à l’insuline : ainsi, chez les sujets les plus insulinorésistants au départ, une augmentation de près de 50% de la sensibilité à l’insuline a été observée au terme de la semaine d’entraînement alors qu’aucun effet n’a été observé chez les sujets les plus insulinosensibles (voirgraphique). La tolérance à la NMES quotidienne pendant une semaine a été excellente, 60% des patients décrivant des douleurs musculaires modérées pendant et/ou après les séances mais 90% des sujets souhaitant continuer les entraînements par NMES au terme de l’étude.

Cette étude « preuve de concept » est remarquable par l’intensité de l’effet insulinosensibilisateur observé après une seule semaine de NMES quotidienne biquadricipitale : cet effet est du même ordre de grandeur que ce qui peut être observé après un programme d’activité physique par « stepper » pendant 6 semaines(7). Il est donc probable que l’effet métabolique de la NMES ne soit pas uniquement lié à la mobilisation musculaire involontaire qui était limité dans notre étude aux seuls quadriceps. L’implication de myokines, médiateurs humoraux sécrétés par les muscles, ou une activation du système nerveux sympathique sont des mécanismes évoqués pour expliquer l’effet métabolique puissant de la NMES.

L’étude ELECTROSYMP2, actuellement en cours au CHU de Caen, explore cette piste neurologique par une technique de mesure directe du tonus sympathique en réponse à l’électrostimulation musculaire. De plus, l’étude ELECTRODIAB2, menée dans plusieurs centres du nord-ouest de la France, évalue l’effet d’un programme de 6 semaines de NMES sur l’équilibre glycémique de sujets DT2 sédentaires.

En conclusion, il apparaît que l’électrostimulation musculaire semble avoir un effet favorable sur la sensibilité à l’insuline des sujets DT2 les plus insulinorésistants. L’activité physique conventionnelle, souvent difficile à mettre en œuvre dans cette population, pourrait donc être substituée par la NMES, sous réserve que les études en cours confirment son intérêt métabolique.


Références :
1. Inzucchi SE, Bergenstal RM, Buse JB, Diamant M, Ferrannini E, Nauck M, Peters AL, Tsapas\ A, Wender R, Matthews DR, American Diabetes Association (ADA), European Association for the Study of Diabetes (EASD) (2012) Management of hyperglycemia in type 2 diabetes: a patient-centered approach: position statement of the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD).Diabetes Care 35:1364–1379.

2. Lin CC, Li CI, Liu CS, Lin WY, Fuh MM, Yang SY, Lee CC, Li TC (2012) Impact of lifestyle-related factors on all-cause and cause-specific mortality in patients with type 2 diabetes: the Taichung Diabetes Study. Diabetes Care 35:105–112.

3. Kawaguchi T, Shiba N, Maeda T, Matsugaki T, Takano Y, Itou M, Sakata M, Taniguchi E, Nagata K, Sata M (2011) Hybrid training of voluntary and electrical muscle contractions reduces steatosis, insulin resistance, and IL-6 levels in patients with NAFLD: a pilot study. J Gastroenterol 46:746–757.

4. Vivodtzev I, Decorte N, Wuyam B, Gonnet N, Durieu I, Levy P, Cracowski JL, Cracowski C (2013) Benefits of neuromuscular electrical stimulation prior to endurance training in patients with cystic fibrosis and severe pulmonary dysfunction. Chest 143: 485–493.

5. Labrunee M, Despas F, Marque P, Guiraud T, Galinier M, Senard JM, Pathak A (2013) Acute electromyostimulation decreases muscle sympathetic nerve activity in patients with advanced chronic heart failure (EMSICA Study). PLoS One 8:e79438.

6. Joubert M, Metayer L, Prevost G, Morera J, Rod A, Cailleux A, Parienti JJ, Reznik Y. Neuromuscular electrostimulation and insulin sensitivity in patients with type 2 diabetes: the ELECTRODIAB pilot study. Acta Diabetol. 2014 Aug 9. [Epub ahead of print].

7. Perseghin G, Price TB, Petersen KF, Roden M, Cline GW, Gerow K, Rothman DL, Shulman GI (1996) Increased glucose transport phosphorylation and muscle glycogen synthesis after exercise training in insulin-resistant subjects. N Engl J Med 335:1357–1362.

Source image : https://www.schwa-medico.fr/

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