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Sport et santé

L’activité physique protège contre la rétinopathie diabétique

Professeur Michel Pinget, Strasbourg

Été 2020 - Lettre n°34

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Voilà une bonne nouvelle qui nous vient de Finlande. L’activité physique ne protège pas que le système cardiovasculaire en réduisant significativement la mortalité d’origine cardiovasculaire. Elle a un effet favorable sur d’autres complications du diabète, celles notamment qui touchent les yeux et les reins, ce dont on doutait encore il y a peu.

La rétinopathie diabétique : une complication tardive du diabète

Rappelons qu’aujourd’hui un tiers des diabétiques présentent des lésions en général modérées de la rétine dues au diabète, et qu’un sur dix a des atteintes sévères pouvant conduire à la cécité. Il est probable que ces chiffres augmentent rapidement, non pas dans nos pays, mais en Asie (Indonésie, Inde et Chine) du fait de l’explosion du diabète dans ces régions du monde et des difficultés de suivi ophtalmologique.

En effet, un suivi ophtalmologique, comme celui recommandé dans les pays européens, permet de dépister très tôt une rétinopathie diabétique et de mettre en oeuvre des traitements efficaces, raison pour laquelle les cas de cécité imputables au diabète sont de plus en plus rares en France. Mais le mieux est de rechercher les facteurs environnementaux qui peuvent favoriser l’apparition ou accélérer l’évolution d’une rétinopathie diabétique, et surtout ceux qui peuvent avoir un effet protecteur sur ces événements.

Seuls étaient reconnus en 2018, par les sociétés savantes européennes et américaines dans leurs recommandations de traitement, comme facteurs protecteurs : l’équilibre glycémique, le contrôle des tensions artérielles systoliques et diastoliques, l’absence d’obésité ou la réduction pondérale, un profil lipidique (cholestérol et triglycérides) normal, l’absence de micro-albuminurie ou protéinurie. Mais pas l’activité physique pour laquelle il était considéré que les preuves n’étaient pas suffisantes.

Deux études d’équipes finlandaises ont apporté en 2019 une réponse claireà la question des relations entre activité physique et rétinopathie diabétique :

  • l’une émane de l’équipe d’ophtalmologie de l’Université de Stockholm et a consisté en une méta-analyse, c’est-à-dire une analyse très critique de l’ensemble des travaux publiés sur ce sujet dans le monde scientifique jusqu’en 2018.
  • l’autre représente une partie des résultats d’une grande étude multicentrique finlandaise, la FinnDianeStudy, portant exclusivement sur le diabète de type 1. Elles sont totalement concordantes.

Une méta-analyse portant sur 1 432 études et 69 396 sujets

Le travail de l’équipe de Stockholm fut d’analyser chacune des 1 432 publications portant au total sur 69 396 sujets, pour ne retenir que celles dont la méthodologie et la réalisation étaient suffisamment solides pour apporter une réponse claire à la question posée : est-ce que la pratique d’une activité physique peut avoir un impact sur l’évolution d’une rétinopathie ? Seules 22 études ont correspondu à ces critères très exigeants et ont fait l’objet d’une analyse poussée.

▶ Les conclusions sont claires :

  • Le risque d’apparition d’une rétinopathie diabétique est diminué, certes modestement, chez les sujets pratiquant une activité physique régulière (de 6% en moyenne).
  • Le bénéfice est beaucoup plus important chez les sujets présentant une rétinopathie sévère menaçant le maintien d’une activité visuelle (-11% de risque). • Ce sont les activités modérées qui sont les plus bénéfiques (-24%), plus que les activités légères ou à l’inverse très intenses.
  • A contrario, les sujets sédentaires ont un risque nettement augmenté (de près de 20%) de développer une rétinopathie diabétique.

La FinnDianeStudy : 1 612 diabétiques de type 1 suivis pendant 10 ans

La FinnDianeStudy est une large étude impliquant 92 centres finlandais dont le but est de suivre le devenir au long cours des diabétiques de type 1 et surtout d’analyser les facteurs impliqués positivement ou négativement dans le risque de rétinopathie diabétique sévère. L’analyse réalisée en 2019 porte sur 1 612 sujets (261 d’entre eux ayant une rétinopathie au début de l’étude) avec un suivi moyen de 10,7 ans. Ils ont interrogé les patients sur leur pratique de l’Activité Physique de Loisir (APL) sans qu’il n’y ait eu, comme c’est le cas dans le diabète de type 2, de recommandations médicales particulières. Ils ont analysé la durée, l’intensité et la fréquence de l’APL et ont corrélé ces données à l’apparition de nouvelles lésions rétiniennes.

▶ Les conclusions sont simples :

  • Les sujets pratiquant une APL développent moins de lésions que ceux qui n’en font pas.
  • Plus que la durée et l’intensité c’est la régularité de l’APL qui est protectrice. En effet, deux séances par semaine d’APL légère à modérée réduit de 15% le risque d’apparition d’une rétinopathie diabétique.

En pratique

Ces données confortent clairement l’aspect protecteur de l’activité physique face au risque de rétinopathie diabétique, et ce quel que soit le type de diabète. Le bénéfice semble plus important lorsqu’il existe des lésions sévères, menaçant l’acuité visuelle avec le risque de cécité, et lorsque l’activité est pratiquée régulièrement, de préférence de manière modérée (conduisant à une légère transpiration).

Ces données changent aussi nos principes de traitement notamment dans les formes sévères de rétinopathie diabétique où jusqu’à présent la pratique d’une activité physique était contre-indiquée, pouvant favoriser des hémorragies rétiniennes, une poussée hypertensive, etc. En fait ces patients peuvent (doivent) avoir une activité physique régulière mais continuer à éviter les efforts intenses, ceux qui conduisent à l’essoufflement notamment.

Comme tout traitement l’activité physique doit être personnalisée à la situation de chacun mais semble de plus en plus bénéfique pour tous.

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