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La voie intrapéritonéale pour l’administration d’insuline : 50 ans d’efforts pour une administration plus physiologique de l’insuline

Séverine Sigrist, PhD, Présidente directrice générale de la start-up Defymed

Automne 2020 - Lettre n°35
#Defymed #péritoine #Exolin #dispositif #Insuline

L’insuline est naturellement sécrétée au niveau de la veine porte ce qui permet son premier passage au niveau du foie. La voie intrapéritonéale (IP) d’administration d’insuline permet une absorption portale d’environ 90 % de l’insuline. Elle est donc la voie la plus physiologique pour administrer l’insuline.

 C’est en 1979 que l’équipe américaine de Shade et Eaton a pour la première fois proposé la voie intrapéritonéale pour l’administration d’insuline chez une personne ayant un diabète et a démontré une absorption plus rapide que la voie sous cutanée. Les auteurs ont en effet observé une résorption par la voie portale avec de ce fait un accès direct au foie, une moindre concentration d’insuline en périphérie (ou l’insuline est généralement injectée pour le traitement du diabète) et donc moins de risques d’hypoglycémies.

Obtenir un contrôle glycémique optimal sans hypoglycémie est le principal objectif du traitement des patients atteints de diabète de type 1 (DT1). Malgré les nombreuses améliorations proposées (comme le pancréas artificiel), de nombreux patients se heurtent toujours à une forte instabilité glycémique en raison d’une résistance à l’insuline sous-cutanée ou d’affections cutanées (lipoatrophie/hypertrophie, réaction cutanée ou allergie locale). Chez les DT1 en échec d’une insulinothérapie intensive par voie sous-cutanée (multi-injections quotidiennes ou pompe externe) et présentant des épisodes hyperglycémiques et/ou hypoglycémiques sévères, fréquents ou non expliqués, l’administration continue d’insuline intrapéritonéale peut être proposée.

Ainsi, il existe trois technologies différentes :

  1. La pompe implantable MiniMed MIP2007D (Medtronic, Northidge, USA) permet l’administration d’insuline par voie intrapéritonéale via un cathéter situé dans le péritoine. Bien que 250 patients utilisent ces pompes aujourd’hui en France, la société américaine a mis fin à la fabrication de ces pompes en juin 2020, laissant ces patients sans solution thérapeutique adaptée à leur instabilité glycémique.
  2. Le système DiaPort (Roche Diabetes Care, Allemagne) consiste en un cathéter intrapéritonéal chirurgicalement implanté connecté à un orifice percutané implanté dans l’abdomen antérieur. Ce système présente l’avantage d’être un accessoire aux pompes à insuline externe. Cependant, les risques infectieux liés à son implantation ne permettent pas le déploiement de cette technologie.
  3. C’est dans ce contexte que la start-up Defymed, spin-off du Centre européen d’étude du Diabète, a développé le dispositif appelé ExOlin®, une nouvelle solution d’administration intrapéritonéale d’insuline.
    En premier lieu, il était essentiel de développer un système d’administration qui réponde à une demande du patient : il doit donc être simple d’utilisation, discret, complètement implantable, doit pouvoir se connecter à tout système d’administration d’insuline (pompe ou stylos) et surtout permettre une délivrance d’insuline efficace et pérenne dans le péritoine. Le dispositif ExOlin® a la forme d’un petit disque plat de 4 cm de diamètre et est relié par un cathéter à une chambre d’injection qui est placée sous la peau.

 

Focus sur ExOlin®

  1. La première innovation repose sur son site d’implantation. Il est important de rappeler que le péritoine est une membrane continue, qui tapisse l’abdomen, et qui délimite l’espace virtuel de la cavité péritonéale. Dans le cas d’ExOlin®, il est implanté en extrapéritonéal, c’est-à-dire juste au-dessus du péritoine, et non dans la cavité péritonéale, comme c’est le cas des dispositifs précédemment cités. C’est le point clef de l’innovation car lors de l’intervention chirurgicale, le péritoine n’est pas ouvert. Or, ce dernier est très sensible et des adhérences peuvent se créer après l’opération, ce qui peut être extrêmement douloureux pour le patient. De plus, la présence de matériaux dans la cavité péritonéale, bien que biocompatible, peut également entraîner des adhérences de tissu, à l’origine de dysfonctionnements, comme cela a été observé pour les cathéters péritonéaux utilisés dans les autres systèmes de délivrance d’insuline. Les différentes expériences réalisées par les équipes de recherche de Defymed ont ainsi démontré que le site extrapéritonéal est facile d’accès, avec une sécurité accrue pour le patient sans adhérence ou réaction tissulaire. Le retrait du dispositif se fait également de manière simple et rapide avec une cicatrisation physiologique des tissus. L’élément clé reposait cependant sur la démonstration scientifique que le site extrapéritonéal permettait une délivrance intrapéritonéale d’insuline. Ceci a été validé et récemment publié dans un journal scientifique international à haut comité de lecture (Magisson et al., Journal of Control Release 2020). L’implantation du dispositif en extrapéritonéal permet une délivrance intrapéritonéale d’insuline associée à une absorption rapide de l’insuline, et une insulinémie périphérique très basse.
  2. La seconde originalité d’ExOlin® repose sur la méthode de délivrance qui ne se fait pas au travers d’un cathéter mais diffuse sur les deux faces d’un disque plat de 4 cm (de façon radial). Il a été scientifiquement montré que des concentrations très élevées d’insuline pouvait être à l’origine de réactions tissulaires locales (dépôt de fibrine, stéatose focale) à l’origine d’un bouchage du cathéter. Cette approche de diffusion au travers d’une membrane perméable permet donc de s’affranchir de cette complication.
  3. Le dernier point repose sur la compatibilité d’ExOlin® avec les systèmes d’administration d’insuline. En effet, il se se positionne comme un accessoire des systèmes d’administration d’insuline. Il peut donc potentiellement être utilisé avec des pompes à insuline et pourra même dans le futur être utilisé avec les pancréas artificiels. Cette approche de dispositif accessoire est importante, car elle permet au patient de conserver le système d’administration d’insuline qu’il utilise tout en pouvant le connecter à ExOlin®. Ceci a été rendu possible grâce à l’utilisation d’une chambre sous cutanée qui permet au patient de s’injecter, en utilisant une aiguille adaptée, directement dans cette chambre et donc de délivrer l’insuline au travers d’ExOlin® dans un espace physiologique.

 

Les étapes précliniques, qu’elles soient scientifiques (implantation, explantation, libération de l’insuline dans le péritoine, compatibilité avec les dispositifs d’administration d’insuline) ou réglementaires (compatibilité avec l’insuline, biocompatibilité, non toxicité) sont longues mais nécessaires afin de déployer cette approche technologique à un grand nombre de patients. Ces étapes ayant été franchies avec succès, il est maintenant indispensable de débuter les études cliniques pour démontrer l’efficacité et la tolérance d’un tel dispositif chez l’Homme. Le dossier de demande d’autorisation d’entrée en phase clinique est en cours et les études cliniques devraient donc pouvoir débuter, après obtention de l’autorisation de l’autorité compétente française (l’ANSM) fin 2020. Cette étude pilote sera réalisée sur 8 patients au sein des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Compte tenu du contexte particulier des patients diabétiques qui sont sans solution thérapeutique suite au retrait des pompes implantables, cette première étape clinique, une fois franchie, permettra d’ouvrir la voie au déploiement du dispositif ExOlin® à de nombreux patients.

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