Santé

La pleine conscience au coeur de l’alimentation et de sa vie

Docteurs Caroline Roeser et Laura Glasser

Hiver 2018 - Lettre n°28
#Alimentation #conscience #pleine conscience

Aimez-vous manger ? Et comment mangez-vous ? Rapidement, devant un écran ou en lisant ou accaparé dans votre tête par de multiples problèmes ou de listes de choses à faire plus tard ?
Manger en pleine conscience, c’est déployer intentionnellement son attention lors du repas à ses sensations de faim, à ce qui s’offre à la vue (couleurs, textures des aliments), aux odeurs, à la diversité des goûts et des saveurs et à ressentir la satiété. C’est aussi manger sans juger les aliments comme bons ou mauvais (en raison de leurs calories). La pleine conscience s’oppose ainsi au « pilotage automatique » prédominant dans notre vie, à ce vagabondage mental qui nous attire bien loin de nos papilles et de l’instant présent.

 

Cette pratique de l’attention dans nos actes quotidiens a été introduite par Jon Kabat Zinn (Professeur de médecine à l’université du Massachusetts, USA) via un programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR). La méditation est un entraînement mental à être plus conscient de ce qui se passe dans l’ici et maintenant. Validée par de nombreuses études scientifiques, la pratique régulière de pleine conscience réduit le stress et l’anxiété. Or le stress accroît l’appétence pour les aliments riches (gras) et goûteux (sucrés), d’où une réactivité au stress qui se manifeste pour certaines personnes par des comportements alimentaires tels que les grignotages, l’hyperphagie et les compulsions pouvant entraîner une obésité et un diabète de type 2. En régulant le stress et l’anxiété, la santé s’améliore.

 

Des programmes de pleine conscience plus centrés sur l’alimentation se sont développés et ont comme objectifs de :

  • Mieux comprendre sa relation à la nourriture.
    Ainsi pour chaque repas, se poser la question du pourquoi je mange (énergie, plaisir …), qu’est-ce qui déclenche la prise alimentaire (habitudes, règles diététiques, sensation de faim…), qu’est-ce que je choisis entre mes envies et ce dont mon corps a besoin, comment je mange (devant un écran, en cachette, ou en pleine conscience), quand est-ce que je m’arrête (assiette vide, une sensation de trop plein, la satiété…), et où j’investis l’énergie que m’a apportée le repas.
  • Réinvestir son corps dans ses sensations physiques plus que dans l’image du corps qui génère beaucoup d’insatisfaction.
    Faire de son corps un allié qui nous informe de nos besoins et de nos limites via nos sensations (faim, satiété, détente, tensions…). Prendre soin de son corps peut contribuer à augmenter son estime de soi, un indicateur important du bien-être psychologique.
  • Apprendre à ne pas réagir automatiquement mais choisir la réponse.
    La méditation « surfer avec les envies » permet de mettre en scène dans un espace « sécurisé » une situation à l’origine de craquages. Mais plutôt que de céder à la compulsion, il s’agit d’explorer avec la pleine conscience ce qui se passe : émotions, pensées, sensations et besoins pour choisir une réponse (autre que celle de manger) parmi plusieurs qui pourraient satisfaire le besoin. Exemple : une personne m’a déçu lors d’une conversation (relation conflictuelle). La réactivité aurait été de me remplir en mangeant tout ce qui se trouvait dans le placard. Lors de la visualisation, les émotions identifiées ont été de la colère puis de la peur. Après avoir accueilli et régulé celles-ci, j’ai pu identifier mon besoin (de respect, de relation sécurisée). Différentes réponses plus adaptées se sont présentées (lui parler de mes ressentis et de mes besoins, rechercher une personne à qui en parler…)
  • Identifier et accueillir ses émotions comme étant des informations essentielles sur ses besoins physiques (faim, soif, repos…) et psychologiques (estime de soi, relations, sécurité, sens, autonomie, stimulation) plutôt que de les éviter ou les réprimer.
    Lorsque les besoins psychologiques sont insatisfaits, est-ce que la nourriture est le traitement approprié ? Est-ce que je mange pour nourrir ma faim ou pour compenser l’insatisfaction de mes besoins ? Place ainsi à la créativité pour envisager différents moyens pour satisfaire ses besoins profonds : pour améliorer l’estime de soi, je peux par exemple m’investir dans une œuvre caritative, offrir mes services à mes voisins, prendre soin de mon corps en pratiquant une activité physique.
  • Définir ses priorités et agir dans ce sens : est-ce ma santé, mon bien-être, ma famille, mon travail, mes engagements… Agir peut signifier changer ses comportements, ses habitudes de vie, modifier son regard sur soi-même et sur les autres. Nous apprenons et changeons tout au long de notre vie et les neurosciences nous confirment ces potentialités cérébrales de plasticité du cerveau. Quels ingrédients sont nécessaires ? Croire en sa capacité de changer, se motiver pour atteindre le bien-être, plaisir plus durable que celui apporté par la satisfaction immédiate d’une compulsion alimentaire. Vivre les épreuves comme des défis et non pas comme des menaces. Cultiver la patience pour expérimenter et répéter de nouveaux comportements car changer implique d’activer de nouvelles voies nerveuses qui, avec la répétition des expériences se renforcent et s’étendent à d’autres expériences, un cercle vertueux se substituant à des comportements automatiques et réactifs.

Pour plus d’informations :

Formation équilibre alimentaire et de vie en pleine conscience :
www.prezence-mindfulness.fr 

Ateliers de pleine conscience, adultes, enfants et adolescents :
www.ppeps-mindfulness-strasbourg.fr

Livre : Susan Albers « Je mange en pleine conscience », Ed. De Boeck Supérieur, mars 2017

 

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