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La metformine peut-elle réduire le risque de démence en cas de diabète de type 2 ?

Pr Michel Pinget, Strasbourg

Été 2021 - lettre n°38
#Diabète #Metformine #Etude #Diabète de type 2 #Démences

Le vieillissement s’accompagne d’une modification de certaines fonctions : cardio-vasculaires, équilibre entre masse maigre et masse grasse (diminution de la masse musculaire et augmentation de la masse grasse), réduction des capacités de sécrétion insulinique et de la sensibilité à l’insuline, stabilité physique moindre avec troubles de l’équilibre et risque de chute, etc. Cette évolution amène tout naturellement l’Homme à adapter son comportement. Toutefois, dans certaines circonstances, ces évolutions peuvent s’accélérer brutalement et ne plus permettre cette adaptation. C’est le cas notamment des fonctions cérébrales.

Le diabète accélère le déclin des fonctions cognitives lié à l’âge

Toutes les études épidémiologiques le confirment : ce sont les complications à long terme de l’hyperglycémie qui font la gravité du diabète et la sensibilité du diabétique à d’autres agressions. La pénétration de quantités excessives de glucose dans les cellules de notre organisme oblige celles-ci à modifier leur fonctionnement, conduisant à la production de substances toxiques ainsi qu’à un état d’inflammation chronique. Ces modifications peuvent accélérer la dégénérescence des cellules du système vasculaire, mais aussi de l’ensemble des cellules de l’organisme.

De nombreuses preuves montrent que les cellules cérébrales n’échappent pas à ce processus de dégénérescence accélérée. C’est ainsi que l’on a constaté l’association fréquente entre diabète de type 2 (DT2) et maladie d’Alzheimer, peut-être plus encore une fréquence augmentée de démence chez les sujets DT2 avançant en âge, contre la population générale. Les données de la littérature estiment que 60 % des DT2 vont développer une forme, souvent mineure, de démence impactant leur qualité de vie et aussi leur capacité à gérer efficacement leur traitement. Des formes sévères ont également été rapportées.

Plus généralement, c’est l’ensemble des performances cérébrales qui peuvent se détériorer plus rapidement avec l’âge, en cas de DT2. Ces fonctions reconnues comme cognitives sont principalement : la mémoire, la vitesse d’exécution des actes de la vie quotidienne, le langage, les capacités visuo-spatiales ainsi que les fonctions exécutives.

Comment prévenir cette évolution défavorable ?

Bien sûr par un équilibre glycémique aussi bon que possible, mais aussi par la correction des facteurs de risques cardio-vasculaires (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, tabagisme, alcool, sédentarité, etc.). En effet, à cette dégénérescence cellulaire primitive s’ajoutent les classiques troubles vasculaires favorisés par le diabète, que ceux-ci touchent les grosses artères ou les petits capillaires.

Les médicaments peuvent-ils avoir un effet favorable direct et prévenir cette dégradation ? La question se pose clairement pour la metformine, médicament recommandé par tous les médecins, et en première intention, à un diabétique de type 2 sous réserve de l’absence de contre-indications ou d’effets secondaires. Un certain nombre d’études déjà anciennes semblaient aller dans le sens d’un effet protecteur de cette molécule vis-à-vis de la détérioration accélérée des fonctions cognitives. Malgré l’analyse scrupuleuse de ces études, réalisée par le Pr Campbell et son équipe et publiée en 2018 dans le Journal of Alzheimer’s Disease, il n’était pas possible d’apporter une réponse certaine à cette question.

 

Efficacité des médicaments : la réponse nous vient sans doute d’Australie

C’est dans ce contexte que l’équipe australienne, conduite par la Pr Samaras, a conduit une étude pendant 6 ans sur une large population, publiée en 2020 par la revue Diabetes Care*. Celle-ci visait à apporter une réponse définitive à la réalité d’un rôle protecteur de la metformine vis-à-vis des complications neuro-cérébrales chez les diabétiques.

Cette étude a porté sur une cohorte de 1 037 personnes, dont l’âge était compris entre 70 et 90 ans et qui étaient indemnes de troubles cognitifs et de démence au début de l’étude. 123 d’entre eux étaient DT2. Parmi eux, 67 avaient reçu de la metformine (depuis plus de 5 ans pour 84 % de ceux-ci et depuis moins d’un an pour 7,5 %). 56 n’en avaient jamais reçu (34 étaient traités par régime seul). Parmi les autres sujets, indemnes de diabète, les auteurs ont sélectionné un groupe de 504 personnes qui, en dehors de l’absence de diabète, étaient tout-à-fait comparables aux patients diabétiques des 2 autres groupes.

Ils ont suivi ces 3 populations de manière prospective pendant 6 ans, ce qui donne une grande puissance à l’étude. Ils ont évalué les fonctions cognitives des sujets à l’inclusion et 2, 4 et 6 ans plus tard, en utilisant une batterie de tests psycho-moteurs. Ils ont également fait appel à un panel d’experts en psychologie, psychiatrie et gérontologie pour détecter l’apparition d’une éventuelle démence. Une IRM a enfin été réalisée à l’inclusion et après 2 ans, pour évaluer le volume cérébral.

Il a été noté un déclin plus rapide de l’ensemble des fonctions cognitives dans le groupe des patients diabétiques n’ayant pas reçu la metformine, versus les 2 autres groupes. De plus, il n’y a aucune différence, dans la vitesse de ce déclin, entre les sujets non-diabétiques et les diabétiques ayant reçu de la metformine. 91 cas de démence ont été diagnostiqués au cours du suivi, avec une fréquence plus grande dans le groupe des diabétiques n’ayant pas reçu de metformine que dans le groupe des diabétiques en ayant reçu et des nondiabétiques. Enfin, il n’a été noté aucune différence dans les volumes cérébraux entre les 3 groupes

 

Source : https://doi.org/10.2337/dc20-0892type-2-85218/

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