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Interaction entre le muscle et le pancréas au cours du développement du diabète

Hiver 2016 - Lettre n°17
#Diabète #Maladie #Insuline #Diabète de type 2 #Muscle #Pancréas #Hyperglycémie

Un nouvel axe de recherche développé au laboratoire du Centre européen d’étude du Diabète (CeeD) s’intéresse à l’interaction entre le muscle et le pancréas au cours du développement du diabète. Rencontre avec le Dr Karim Bouzakri, responsable de cette nouvelle thématique au CeeD.

Le diabète est une maladie chronique qui survient lorsque :

  • le pancréas ne produit pas assez d’insuline du fait d’une perte de la masse de cellules productrices et sécrétrice d’insuline (les cellules bêta-pancréatiques) ;
  • les tissus cibles de l’insuline, que sont le tissu adipeux, le foie et le muscle, ne sont pas capables d’utiliser efficacement l’insuline produite.
    Il en résulte une forte augmentation du taux de glucose dans le sang (hyperglycémie), responsable de beaucoup de complications associées au diabète.
    Le diabète est donc une physiopathologie complexe impliquant plusieurs organes tels que le tissu adipeux, le foie, le cerveau, le muscle et le pancréas. Néanmoins, les cellules bêta-pancréatiques et le muscle squelettique peuvent être considérés comme un axe central de cette maladie puisque le muscle squelettique est un organe cible majoritaire de l’insuline.

Pendant l’état pré-diabétique, on observe une résistance à l’insuline des muscles squelettiques, qui sont responsables de la majeure partie de l’absorption du glucose, en réponse à l’insuline secrétée après un repas. Cette résistance est compensée par une augmentation du taux d’insuline sanguin afin de limiter l’augmentation de la glycémie. Une altération de la fonction des cellules bêta-pancréatiques et de leur survie conduit ensuite à une phase de décompensation et de diabète, caractérisée par une hyperglycémie.

La physiologie intégrative a atteint un niveau plus complexe depuis que l’interrelation entre les organes a émergé, soit au cours des deux dernières décennies. L’équipe de recherche a pu montrer, par exemple, que le TNF-alpha, une cytokine pro-inflammatoire1 , est augmenté dans le tissu adipeux en cas d’obésité et de diabète de type II, ce qui contribue à un état inflammatoire chronique. De plus, il a été établi que le TNF-alpha ainsi augmenté induit une résistance à l’insuline au niveau du muscle squelettique chez
l’homme. Le TNF-alpha a donc été l’une des premières molécules identifiées dans la relation inter-organe au court du développement du diabète.

Par la suite, une série de nouveaux facteurs endocriniens ont été décrits et classifiés : les adipokines sont ainsi sécrétées par le tissu adipeux, les hépatokines par le foie et les myokines par le muscle. La multiplicité des organes sécrétant, des facteurs sécrétés et des tissus potentiellement cibles, se traduit par un réseau de communication complexe qui est encore mal compris.

« Nous avons été les premiers à décrire un axe de communication entre le muscle et le pancréas. Dans notre étude, nous avons établi un modèle dans lequel les cellules bêta-pancréatiques ont été traitées avec un milieu conditionné et préparé à partir de myotubes primaires humains. Nous avons montré que des facteurs sécrétés par le muscle influencent la survie et la fonction des cellules bêta-pancréatiques et que cette interaction dépend du degré de sensibilité à l’insuline du muscle squelettique. », témoigne Karim Bouzakri, qui capitalise sur de nombreuses années de recherche préalables dans d’autres équipes de recherche.

Lorsque le muscle répond correctement à l’insuline, ce dernier secrète des facteurs qui ont un effet positif sur les cellules bêta-pancréatiques (augmentation de la prolifération et de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose). Néanmoins, si le muscle est résistant à l’insuline, ce dernier sécrète d’autres facteurs qui ont un impact néfaste sur les cellules bêta (diminution de leur survie et de sécrétion d’insuline). Il a ainsi pu être mis en évidence que la résistance à l’insuline change le profil de sécrétion musculaire qui, à son tour, a un effet délétère sur le pancréas.

Cependant, même s’ils partagent les mêmes fonctions contractiles, les muscles squelettiques ne peuvent pas être considérés comme un organe unique et homogène d’un point de vue métabolique. Le corps humain contient environ 600 muscles squelettiques, qui peuvent être classés en différents groupes. Les muscles de type I, ou muscles oxydatives, sont principalement composés de fibres de type I. Ils sont caractérisés par un métabolisme capable de générer suffisamment d’ATP2 pour couvrir les besoins au cours d’un long exercice (i.e. muscle de la posture). Les muscles de type II, ou muscles glycolytiques, sont principalement constitués de fibres de type II, qui contrairement aux premiers sont très fatigables. Leur métabolisme est incapable de générer suffisamment d’ATP pour couvrir le taux élevé d’ATP consommé lors d’un long exercice (muscle de la résistance).

« Notre équipe de recherche a développé des modèles humains in vitro de muscles squelettiques de type I et de type II. Notre but est dans un premier temps d’étudier la sensibilité de ces muscles au TNF-alpha et ainsi de développer une résistance à l’insuline. Ensuite, nous examinerons si le type musculaire influence le profil de sécrétions de myokines et leur impact sur les cellules bêta-pancréatiques, afin de pouvoir identifier de nouvelles myokines impliquées dans l’axe de communication entre le pancréas et le muscle endocrinien. Nous avons récemment démontré que les cellules musculaires squelettiques conservent le phénotype fibrillaire des biopsies et que ces cellules ont une signature unique en termes de myokines. De plus, ces myokines ont un effet différent sur les cellules bêta-pancréatiques en fonction de la composition fibrillaire des cellules squelettiques humaines et de leur état de sensibilité à l’insuline. Le but de notre équipe de recherche est d’identifier ces myokines et de pouvoir décrypter leur mécanisme d’action sur le pancréas. Nous espérons pouvoir développer des molécules qui, à terme, préviendront la perte de masse et de fonction de la cellule bêta-pancréatique au cours du diabète.»

1 : Molécule sécrétée lors d’une inflammation
2 : Adénosine triphosphate = l’énergie produite par les cellules

 

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